Passé, présent, futur

    Alors qu’il se lamentait sur sa dernière expérience qui avait de nouveau donné des résultats absurdes, Louis reçut un appel de sa cousine. Il activa le vidphone et une femme aux cheveux frisés apparut.

— Emma ? J’espère que c’est important, je suis très occupé.

C’était totalement faux, mais il n’était pas d’humeur à socialiser.

— Dans ce cas, je vais proposer cette découverte à un chercheur plus amical, répliqua-t-elle froidement.

— De quoi tu parles ?

Elle sourit avec malice.

— Je t’ai parlé de ce nouveau chantier qui a démarré il y a quelques semaines, non ?

— Une énième route ou un truc fascinant dans le genre.

— Rabat-joie. Bref. Nous faisions les derniers repérages avant que les engins n’arrivent et mes géomètres ont détecté une énorme masse métallique sur le tracé.

— Tu sais, les cailloux, c’est pas mon truc. Y’a plein de géologues que je peux te conseiller, si ça peut me permettre d’être tranquille.

— Si tu me laissais finir ? insista Emma. Je vais finir par croire que tu es devenu un vieux grincheux. Donc… j’en étais où ? Ah oui. On a déjà fait venir un géologue, puis un archéologue, puis un second.

Louis tâchait du mieux qu’il pouvait de cacher son intérêt naissant.

— C’est un objet artificiel n’appartenant à aucune culture connue, ancienne comme récente, continua-t-elle. Et les premières analyses du matériau principal n’ont pas permis d’en déterminer la composition.

Il était sceptique, il savait que les experts de sa cousine étaient des amateurs.

— Tu veux donc que je vienne humilier, une nouvelle fois, ton équipe ? Je te préviens, si je me déplace encore pour trouver un vieux coffre rouillé, tu me devras un resto.

Elle redressa la tête avec assurance.

— Vendu.

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La fille de la forêt - Extrait du Chapitre 1

    C’était une journée exécrable. L’automne avait amené une pluie froide et poisseuse sur l’île aux épines et les fleurs accrochées dans les rues s’étiolaient sur les pavés. Mais j’étais de si bonne humeur que même cette déplorable météo ne pouvait éclipser le soleil dans mon cœur.

— Tu sais ce qu’il va se passer, Timothéa ? Raconte-moi, je t’en prie !

Assise devant ma coiffeuse, je ne tenais pas en place et gesticulais dans tous les sens. Ma cousine et dame de compagnie soupirait en tapotant la brosse à cheveux sur sa cuisse.

— Néméïs, si tu tiens tranquille, je veux bien t’en dire plus. Tu ne pourras jamais assister à la Révélation si je n’arrive pas à discipliner ces cheveux !

Je me raidis et envoyai mon plus beau sourire au miroir.

— Bien, reprit Timothéa. J’avais 7 ans quand j’y ai participé, alors je ne me souviens pas de tout. Ce dont je me souviens bien, c’est la queue interminable avant d’apparaître devant le mage.

— Alors il y aura bien un mage, un vrai !

Timothéa tira un petit coup sur la mèche de cheveux qu’elle avait en main, me rappelant de ne plus bouger.

— Tu poses tes mains sur un objet et le mage te regarde avec un épais monocle. Puis il te donne un papier de couleur.

— Et c’est tout ? L’objet faisait de la lumière ? Le mage était-il auréolé d’une lueur étrange ?

— Rien de tout ça, ma cousine. Il aurait tout aussi bien pu être un bureaucrate avec des goûts vestimentaires singuliers.

— Et ton papier, il était de quelle couleur ?

— Blanc. Ceux avec du potentiel magique en obtiennent un bleu. Je crois bien qu’une seule personne a obtenu le papier bleu ce jour-là.

Elle terminait une longue natte complexe parsemée de fleurs blanches.

— Qu’est-ce qu’il lui est arrivé ?

— À l’époque, je n’en savais rien. Maintenant, je dirais qu’il a été transféré à Nev pour étudier à l’Académie.

J’étais surexcitée par la simple mention de l’Académie de Nev, cadeau du Protectorat au peuple d’Orianesse. Le seul endroit où la magie était enseignée sur toute la sphère.

— Tu ferais quoi si tu recevais le papier bleu ? demanda Timothéa.

Je restais sans voix. Cette perspective ne m’avait jamais effleuré, tout ce que je voulais c’était voir de la vraie magie, comme dans les livres d’Histoire et d’aventures.

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Encore une attaque

    Encore une attaque. La troisième en une semaine. La ville est en état d’alerte, les marins ne veulent plus sortir en mer et pourtant ils n’ont pas vraiment le choix. Vous savez, les chats et le poisson…

    Mira était une Nimravi, un peuple d’êtres félins vivant dans les archipels d’Amidor. Si la plupart des miliciens préféraient s’équiper d’un pistolet impérial, n’exigeant aucune condition physique particulière ni la moindre sensibilité magique, Mira quant à elle ne jurait que par son épée. C’est en tenue complète qu’elle quitta les dortoirs sous les derniers rayons de soleil et s’engouffra dans les ruelles de la petite ville portuaire. L’agitation de la journée s’était calmée et les lampadaires s’allumèrent dans un petit grésillement singulier. Elle se dirigeait vers l’entrée nord, bien qu’aucune porte n’en marquait l’emplacement, c’est ainsi qu’on l’appelait. À une centaine de mètres, une tour se dressait pour dominer la forêt qui s’étendait par-delà. Mira grimpa à l’échelle et s’installa sur sa chaise. Ainsi commença la première garde.

Comme d’habitude, son équipier était en retard, ce qui lui laissa le temps de penser. Les évènements de la journée tourbillonnaient dans sa tête. Une nouvelle attaque de delfins, deux hommes noyés et plusieurs blessés. Et dire qu’un mois auparavant, les enfants jouaient avec ces paisibles créatures quand elles s’approchaient du rivage. Que s’était-il passé ? Le grincement de l’échelle la sortit de ses pensées.

— Usco ? Enfin, te voilà. Encore en retard. Heureusement que les delfins ne savent pas marcher. Qu’aurais-je fait sans toi ?

— Ne te moque pas de moi. Je ne suis peut-être pas doué à l’épée, mais je manie mieux le pistolet que toi. De mon lit, je pourrais venir à ta rescousse !

— Pouah, la magie ! Je te laisse ça volontiers.

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Cape, zombie et pistolet laser

    S’il est un nombre que mon peuple redoute, c’est bien le nombre trois. Nulle part dans la nature, les choses ne vont par trois. Une bouche, deux yeux, quatre pattes, cinq doigts. Il est contre nature. Quand mes pouvoirs furent décelés, la joie de mes parents fut teintée d’angoisse. J’étais une élue, touchée par la grâce du dieu de l’Eau, le puissant Norian. Mais j’étais la troisième.

    Sardar fut le premier. Puissant géomancien, seule sa droiture rivalisait avec son sens du devoir. Il était promis à un brillant avenir, celui de chef spirituel de tous les mondes, le Grand Oracle. Mais l’année suivante, Arun fut révélé. L’éolien bouleversait les plans des oracles, il démontra rapidement que c’était là l’une de ses occupations favorites.

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L'histoire appartient aux vainqueurs

    Une jeune domestique entra doucement, les yeux vissés sur le sol. Le maitre déposa son livre près de lui et retira une paire de lunettes rondes. Le regard paternel du maitre Murati était accentué par sa longue barbe blanche qu’elle avait elle-même brossée ce matin-là.

— Qu’y a-t-il, mon petit ? Mon neveu est-il arrivé ?

La jeune femme acquiesça en silence d’un hochement de tête, faisant tomber une longue natte noire de ses épaules. Il sourit, leva les bras et claqua dans ses mains. En quelques instants, la maison se mit en branle.

    Le jeune homme qui se présenta à l’entrée de la maison contrastait en tout point avec son oncle, à l’exception du turban aux couleurs de leur famille. Le neveu portait une courte barbe brune et une fine moustache sophistiquée. Son cou et ses bras étaient encombrés de nombreux bijoux précieux et cliquetants. Le maître de maison l’accueillit chaleureusement dans une tunique simple aux motifs délicats et avec pour seule parure la dague sertie de pierres qui pendait à sa ceinture, représentant son ancien rôle dans l’armée.

— Yashesh, mon neveu. J’espère qu’Étuviel a veillé sur ton voyage. Mon toit est ton toit.

— Je le respecterais comme celui de ma propre maison, répondit-il en s’inclinant comme le voulait la coutume. Je vous remercie, mon oncle. Le voyage s’est bien passé, je suis désolé de vous avoir prévenu si tard de ma venue.

Murati posa une main affectueuse sur l’épaule de son neveu Yashesh.

— N’en parlons plus. Viens donc. Allons nous rafraîchir dans les jardins, tu me donneras des nouvelles de la capitale et de la famille.

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L'attrait du vide

    L’air vibrait à ses oreilles et la lumière lui brûlait les yeux. Le ciel se déchira. Le bras de l’enchanteur Oshan tremblait sous l’effort. Il brandissait une pierre rouge reliée par un fin filament de magie à la fissure qui s’agitait de plus en plus.

— J’y suis presque, il ne me reste qu’à le stabiliser. Apporte-moi ce qu’il faut.

Son compagnon, le maître mage Rishivi, s’inclina rapidement avant de se hâter vers l’astronef. Au pied de la rampe, plusieurs caisses de matériel attendaient. Rishivi ouvrit l’une d’elles et en sortit un long cylindre orné de motifs complexes. Il prononça une formule en langue ancienne, une lueur bleue s’empara de l’objet.

— Que fais-tu, donc ? Je ne vais plus tenir longtemps !

— Le voilà.

Rishivi plaça le cylindre au centre d’un cercle magique tracé devant Oshan. Ce dernier déposa sa pierre au-dessus. La face supérieure de la boite parut soudainement liquide et le joyau glissa à l’intérieur jusqu’à s’y fondre.

— Par le grand Voyageur, enfin.

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